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christophe guilluy - Page 3

  • La revue de presse d'un esprit libre... (45)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Emission de deux heures consacrée par Radio Méridien Zéro au dernier colloque de L’Institut Ilade, Europe, l’heure des frontières. Successivement, interview de Jean-Yves Le Gallou, du Rucher  patriote, François Bousquet qui résume le positionnement de la revue Éléments par la formule avoir un pied dans le système et un pied hors du système, d'un artisan du bois qui fabrique des objet de cuisine, de l’un des chroniqueurs de Sputnik Édouard Chanot, de Jean Peusse, géographe, de l’équipe artistique qui a confectionné les tentures exposées au colloque, d'un participant de la promotion Marc Aurèle, Romain Le Cap qui présente une exposition d’art liée à L’Institut qui aura lieu en septembre, de Sieghilde qui fabrique des objets de la quotidienneté dans des matières nobles, d'Anne-Laure Blanc qui insiste sur la transmission de l’héritage par la littérature-jeunesse, de Benoît Couëtoux pour terminer qui évoque la formation dispensée par L’Institut Iliade dont l’objectif est de créer un réseau d’influence centré sur l’héritage européen remplaçant ainsi un école défaillante :

     
    Alain de Benoist invité à clore les débats du colloque de l’Institut Iliade du 6 avril 2019 sur le thème « Europe, l’heure des frontières » a prononcé une allocution centrée sur l’illibéralisme. Soulignant que le libéralisme s’organise autour de la notion d’humanité, en éliminant toutes les structures intermédiaires, il a insisté sur l’essence de la démocratie illibérale qui s’organise en revanche autour de la notion de citoyen, révoquant ainsi l’État de droit. Das la démocratie illibérale le suffrage obéit à la règle « un citoyen, un vote » et non comme on l’entend dire trop souvent « un homme, un vote ». dans la démocratie illibérale, le peuple n’a ni raison, ni tort, mais il décide en toute souveraineté. C’est pourquoi les frontières territoriales de l’unité politique sont essentielles. Un exposé brillant qui résume tout le colloque :
     
     
    Nous découvrons un raisonnement comparable à celui d’Alain de Benoist dans un tribune publiée par Le Figaro. Cet article de Mathieu Bock-Côté réfléchit aux propos du président Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril qui disait vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ».

    " Dans sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a dit vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ». La formule, qui se voulait positive, a peut-être néanmoins écorché certaines oreilles dans la mesure où elle laissait entendre que le patriotisme français, jusqu’à tout récemment, avait été « exclusif ». Doit-il connaître une mue idéologique pour redevenir moralement acceptable ? En quoi le patriotisme français d’hier et d’avant-hier échouait-il le test humaniste de l’hospitalité ? On serait en droit de poser la question à ceux qui se réclament de cette notion : que veut dire devenir inclusif ? Quels critères distinguent le bon patriotisme du mauvais ? Le patriotisme tragique du général de Gaulle était-il suffisamment inclusif ? On l’aura compris, en termes macroniens, le patriotisme français devrait passer de la société fermée à la société ouverte, ce qui n’est peut-être qu’une manière de reconduire en de nouveaux termes le clivage apparemment insurmontable entre progressistes et populistes que les premiers cherchent à imposer.

    [...]

    Le patriotisme inclusif témoignerait d’un autre rapport au monde. D’ailleurs, la formule n’est pas neuve. En 2013, le rapport Tuot, qui avait suscité un certain écho médiatico-politique, avait cherché à l’imposer en plaidant pour le modèle de la « société inclusive », délivré de toute conception substantielle de l’identité française, comme si cette dernière était autoritaire et poussiéreuse.

    [...]

    Pour peu qu’on traduise ce vocabulaire propre à la novlangue diversitaire, on retrouve tout simplement l’idéologie multiculturaliste.

    [...]

    Dans la perspective multiculturaliste, le peuple historique qui formait le corps de la nation n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans la société plurielle. Il doit consentir à son déclassement symbolique et consentir à une forme de décolonisation intérieure. S’il le refuse, il devient dès lors le principal obstacle à la reconstruction d’une nation véritablement inclusive, dans la mesure où il refuserait d’accepter une différence déstabilisant ses certitudes. Une telle posture serait condamnable. "

     
    L’OJIM s’interesse également à Mathieu Bock-Côté pour la parution de son dernier essai L’Empire du politiquement correct. Essai sur la respectabilité politico-médiatique  paru récemment aux Editions du Cerf dans la mesure ou l’auteur y décrypte l’idéologie dominante qui s’étale dans les médias. Comme d’habitude l’OJIM se livre à un travail salutaire :
     
    Analyse du discours d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse. L’auteur le désigne comme un Narcisse maladif :
     
     
     
    Très belles réflexions d’Alain Finkielkraut au sujet de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Pour lui le patrimoine est autre chose qu’un « filon touristique », c’est la présence des morts, un vestige palpable du passé. La présence de Notre-Dame rehausse de sa beauté et de sa spiritualité notre vie sur terre. C’est parce que nous sommes aussi des « habitants » que  nous avons besoin de ces choses durables qui résistent à l’érosion du temps. Pour que l’émotion qui nous étreint ne demeure pas sans lendemain, ajoute-t-il, il convient que la politique retrouve son sens. La politique n’est pas seulement comme elle tend à le devenir, gestion du processus vital (« bio-politique » comme disait Michel Foucault ou « administration ménagère » comme disait Anna Arendt). La tâche du politique est aussi de rendre le monde habitable, et l’une des bases de l’habitabilité c’est la beauté. Alors qu’Anne Hidalgo annonce fièrement que la cathédrale sera prête, pimpante pour les jeux olympique elle dévoile son jeu, celui du filon touristique, et celui de la vision économiste et marchande du monde. L’indécence du propos révèle, si besoin est, l’obscénité de nos gouvernants tous ancrés dans le culte du veau d’or. On notera également que Finkielkraut regrette que parler de racines soit devenu « réactionnaire » selon la doxa dominante et que donner une définition substancielle de la France soit prendre le risque d’exclusion des nouveaux arrivants si bien que dans notre pays même il est loisible d’afficher une identité quelle qu’elle soit à la condition de ne jamais faire mention de la notre ce que confirme la définition de l’Europe moderne selon le sociologue allemand Ulrich Beck : « Vacuité substancielle, ouverture radicale » (première référence).
    L’émission qui promet d’être hebdomadaire reprend les recettes de L’esprit de l’escalier, toujours avec Elisabeth Lévy comme sparring-partner et tout cela dans un nouvel écrin au nom évocateur de 
    « Réacnroll » qui s’annonce comme la web-télé des « mécontemporains » (deuxième référence)  :
     
     
     
    Dans un article où il rappelle la tribune des 1170 conservateurs du patrimoine, architecte et professeurs qui estiment que 5 ans ne suffiront pas pour mener à bien les travaux de rénovations, Olivier Bost dénonce toutes les dérogations mises en place par le gouvernement pour précipiter les travaux de réfection de Notre-Dame de Paris. Visiblement Emmanuel Macron, homme pressé, entend faire de ce chantier une marque de sa mégalomanie de président bâtisseur en se passant des experts du patrimoine. On peut donc s’attendre au pire de la part de celui qui se veut le chef de file des « progressistes » :
     
     
    Extrait d’une réaction désabusée de l’architecte Rudy Ricciotti sur l’architecture contemporaine. « Si une façade du XIX siècle pouvait être décrite par 100 mots, aujourd’hui la façade d’un immeuble contemporain ne peut pas être décrite par plus de 3-4 mots ». Il célèbre également la beauté de Notre-Dame de Paris et déplore le manque de personnalité des bâtiments de notre époque ;
     
     
    Michel Drac dans sa dernière vidéo rend compte de l’excellent livre de François Bégaudeau Histoire de ta bêtise. Drac ne cache pas son admiration pour cet écrivain d’ultra gauche qui a su, dans ce livre, prendre du recul face aux sermons de sa classe d’origine, en gros la bourgeoisie de gauche et les petits bourgeois d’extrême gauche, pour nous livrer un panorama consternant de leur cinéma. Les explications de Michel Drac pointent cependant l’impensé de l’auteur, ce qui fait de son exposé une bible pour la dissidence :
     
     
    L’Inactuelle a eu l’excellente idée de re-publier un entretien revigorant de Cornelius Castoriadis sur l’écologie politique. Il y déclare, entre autre pépite, que « le politique est une architectonique de la cité dans sa totalité. Elle a de cette manière rapport au sacré, par son ancrage dans un récit, une histoire, un passé, un présent et un avenir, sans quoi le monde moderne s’effondrera sous le joug de la volonté de puissance de la techno-science… »  :
     
     
    Émission du Libre journal de la Nouvelle Droite consacrée au livre très dense de Thibault Mercier Discriminer ou disparaitre , co-publication de l’Institut Iliade et des Éditions Pierre Guillaume de Roux  et à Maxime Dalle qui publie une anthologie des écrits parus dans Raskar Kapac revue littéraire intéressante de facture conservatrice :
     
     
    Critique approbative du livre de Thibault Mercier Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître par Michel Geoffroy sur le site très riche de la Fondation Polémia. Exister, c’est se distinguer de l’autre, c’est délimiter un dedans et un dehors, c’est inclure et exclure en fonction d’une limite. C’est donc discriminer. Discriminer ou disparaître, il faut choisir. À l’heure où le refus de toutes discriminations est devenue un argument essentiel de l’idéologie libérale, libertaire et mondialiste pour délégitimer toute les identités de manière à ne reconnaitre que l’individu et l'humanité, il réhabilite cette notion avec hardiesse et le raisonnement est véritablement implacable :
     
     
    Un petit tour de l’actualité par Alain de Benoist. Il traite succinctement de Notre-Dame de Paris, du mouvement des Gilets jaunes, de Julian Assange, du Venezuela et des scandales pédophiles dans l’Église : 
     
     
    Excellent exposé de Caroline Galactéros sur les déboires de la (non) politique extérieure de l’Europe et de la France :
     
     
    Olivier Maulin qui vient de faire paraître Le populisme ou la mort (Via Romana) préfacé par François Bousquet est ici rapidement croqué par Jean-Yves Le Gallou. Ce dernier insiste sur le « coming out » d’un auteur qui jusqu’ici ne s’était pas signalé par des prises de position politique. Son livre contient ses meilleurs articles parus sous pseudonyme dans l'hebdomadaire Minute que toute le bien-pensance tient pour un vulgaire « torchon » mais qui à l’occasion se montre capable de recruter des collaborateurs d’exception comme ce volume en fait foi  :
     
     
    Les  Gilets Jaunes constituent-ils un phénomène « miraculeux » ? Oui selon le romancier Olivier Maulin qui accorde un entretien au chroniqueur de Sputnik Édouard Chanot. « j’espère que les élites paieront un jour pour certaine trahisons! » déclare-t-il sans ambages au terme d’une prestation décapante :
     
     
    Christophe Guilluy accorde un entretien à l’hebdomadaire Le Point. Pour ce géographe inventeur et théoricien de la France périphérique le repli identitaire est une conséquence logique du modèle multiculturel  arrivé dans les bagages de la mondialisation. Le peuple des Gilets jaunes a de quoi être amère puisque il se trouve cadenassé en dehors des grandes métropoles gentrifiées, tenus à l’écart des marchés de l’emploi et culturellement ringardisés. Le monde d’en haut, dit-il, a fait sécession et a abandonné toute notion de bien commun confinant l’État-providence à l’oubli programmé aussi est-il compréhensible que les classes populaires cherchent à préserver le bien qui leur reste à savoir leur capital culturel :
     
     
    La diffusion hebdomadaire d'I-Média est un des moments phare de la réinformation surTV-Libertés. Présentée par un duo de choc constitué de Jean-Yves Le Gallou et Nicolas Faure il s’efforce chaque jeudi d’opérer la critique positive du traitement de l’actualité par les médias de grand chemin. Des médias qui sont certainement les principaux agents du politiquement correct et à ce titre de puissants agents inhibiteurs de la libre expression du peuple. Ci-joint le dernier numéro, toujours aussi captivant qui traite entre autres de la fake-new colportée par Julien Pain de France-info à propos du grand remplacement. Selon lui, interviewant François Hérant à l’appui de sa thèse, le grand remplacement relève d’une théorie complotiste (première référence). Hélas pour le journaliste redresseur de tort son intox s’avère comme une simple manipulation des chiffres comme le souligne la démographe Michèle Tribalat, une spécialiste de renom, membre de l’INED, qui s’est fait mettre au placard par le même François Héran, la caution malheureuse de Julien Pain, désormais au Collège de France pour services rendus. Ce monde de connivence qui viole la réalité des chiffres est décidément tout petit (deuxième référence)  :
     
     
     
    Réflexion très riche de Jean-François Gautier sur et à partir de l’ouvrage célèbre de Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Selon Gautier la crise de l’art à l’époque contemporaine est d’abord une crise du politique :
     
     
    Jean-Pierre Marielle vu par Ludovic Maubreuil. « Chantre d’un cinéma gouailleur et réfléchi, salace et profond ». L’une des meilleures chroniques parues sur ce témoin de la France d'avant :
     
     
    Bernard Asso publie dans Le Figaro un tribune bien documentée sur le thème du gouvernement des juges. Nos lois remarque-t-il sont non seulement dictées par des normes européennes mais par l’interprétation qu’en font les juges de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme dans le domaine sociétal et mettent en danger les libertés fondamentales de l’individu et allant jusqu’à la sanctification du délit de blasphème. Une position clairement assumée chez ce professeur de droit, candidat sur la liste des Républicains pour les prochaines européennes :
     
     
    Autre perversion du droit. Ali Laïdi vient de publier Le droit, nouvelle arme de guerre économique. Comment les États-Unis déstabilisent les entreprises européennes (Editions Actes Sud 2019). Dans cette enquête rondement menée il démontre comment les Américains se servent de l’extra-territorialité de leur droit pour mener une guerre économiques contre les entreprises européennes. Pourtant face à ces offensives récurrentes l’Union européenne demeure impuissante. Interrogé ici par Le Figaro, il déclare par exemple que la chancelière Angela Merkel trouve tout à fait normal que les États-Unis épinglent les entreprises étrangères soupçonnées de corruption et imposent leurs diktats dans le monde qu’ils contrôlent. Devant ce problème les Européens sont comme tétanisées et renoncent à réagir. Pourquoi ? Parce que la notion même de guerre économique est balayé à Bruxelles. « L’Europe c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles »  conclue-t-il :
     
     
    Jean Messiha, Copte d’origine et énarque, membre du Rassemblement National, s’exprime devant les caméras d’Elise Blaise après la conférence de presse du président de la République et énonce les principales orientations de son mouvement avec vivacité  :
     
     
    Nicolas Dupont-Aignan était l’invité d’Élise Blaise le 4 mai. Avec un minimum de démagogie il parle du fake-new de Christophe Castaner au sujet de l’affaire de la Pitié-Salpêtrière, de l’incendie de Notre Dame-de Paris et présente à grands traits les éléments de son programme pour les Européennes :
     
     
    Entre succession de poses et déclarations contradictoires pour ne pas dire schizophréniques Nathalie Loiseau, la très charismatique tête de liste LREM pour les prochaines élections européennes se débat comme elle peut, c’est à dire très mal et révèle « en même temps » une propension pathologique au mensonge. Ce véritable feuilleton d'une saga macroniste ubuesque  est illustré par Nicolas Gauthier dans ce bref article de Boulevard Voltaire. Le kulturkampf mené par le président contre les « anti-progressistes » est mal parti :
     
     
    Un article bienvenu d'Hervé Juvin sur l’islam qui, contrairement à l’idée que s’en font nombre de nos contemporains, de se laisse réduire ni à son image terroriste, ni à ce que dans les élites occidentales les belles âmes aimeraient qu’il soit. Pour lui l’islam en Europe se nourrit des vertiges de l’Occident, de sa repentance, de sa haine de soi, et du vide spirituel qui le ronge : 
     
     
    Une analyse d’Aurélien Marq qui confirme celle d’Hervé Juvin. Impossible pour un observateur honnête de considérer l’islam comme un bloc monolithique. Il évoque les réseaux obscurantistes de l’islam dans notre pays qui menacent de mort les apostats et livrent une guerres quotidienne aux musulmanes qui refusent de porter le voile. Mais il faut se rendre à l’évidence; seuls quelques intellectuels se réclamant de l’islam protestent contre cet état de fait alors que pour la grande majorité d’entre eux c'est un silence pesant qui fait loi vis à vis de ces exactions. Une société sécularisée comme la notre peut-elle supporter que l’allégeance dogmatique d’un nombre grandissant de fidèles musulmans à une foi venue d’ailleurs puisse s’exprimer ici avec une ostentation qu’en théorie la République réprime ?  Marq se réclame d’Abdelwahab Meddeb un tunisien musulman que la doxa occidentale qualifiera volontiers d'éclairé, animateur sur France culture aujourd’hui décédé qui ne craignait pas de passer pour un mécréant en réclamant une réforme du Coran afin que soit reconnue son origine humaine. Ce qui va, bien entendu à l’encontre de la croyance musulmane traditionnelle regardée comme vérité fondamentales. Mais la liberté de conscience que cette réforme permettrait d’introduire peut-elle se postuler hors de son contexte occidental sans sombrer dans le péché d’ethnocentrisme qui fut tant reproché à l’Europe coloniale ?
     
     
    Non ce n’est pas carnaval mais le sourire énamouré d’un bouffon (et maire Républicain de Toulouse…) affiché au cours d’une cérémonie d’intronisation dans une culture africaine dans sa ville même. Jean-Louis Moudenc ne craint-il pas que le Conseil Représentatif des Associations Noires de France l’accuse de pratiquer une sorte de blackface, cette odieuse manière pour un Blanc se singer les Africains ? Dommage qu’il n’y ait pas de mot, fut-il en globish, pour désigner l’inverse, à savoir le fait pour les Africains de se grimer en Blanc; les exemples abonderaient. Mais il est vrai qu’il y manquerait l’essentiel c’est à dire l’idée d’une domination exercée par un groupe ethnique sur un autre. Que les « antiracistes » ne s'impatientent pas trop, avec des olibrius tel le maire de Toulouse ça sera bientôt chose faite :
     
     
    « La vraie facture de l’assistanat en France, c’est celle de l’assistanat des entreprises. Nous allons bientôt 150 milliards de subventions à l’économie et aux entreprises dans ce pays (…) C’est cette manne d’assistanat qu’il faut reprendre, pour remettre le patronat au travail ». Mélenchon ? Non ! Alain Madelin en 2014…
     
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  • Alerte dans les médias : France fracturée et colère des « petits Blancs » !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Gauthier cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'alarme des médias face à une France qui leur échappe...

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    Alerte dans les médias : France fracturée et colère des « petits Blancs » !

    Tout arrive : des hebdomadaires tels que Le Point et L’Express se rendent enfin compte que des humains persistent à vivre au-delà du périphérique parisien et des abords des grandes métropoles. C’est tout bonnement épatant.

    Dans Le Point, Jérôme Fourquet, interrogé pour son dernier ouvrage, L’Archipel français, dresse un portrait de notre pays venant compléter les travaux du démographe Christophe Guilluy, connu pour avoir mis en lumière cette fameuse France périphérique. Son diagnostic ? En ces temps d’universalisme républicain, la France n’a jamais été aussi divisée.

    D’un côté, ces Français issus de l’immigration, relégués dans leurs cités pour mieux venir travailler dans les mégapoles. De l’autre, des Français « de souche », économiquement encore plus déshérités, assignés à résidence dans les campagnes reculées ou réfugiés dans les zones pavillonnaires. Fracture géographique, mais aussi religieuse et culturelle : en 2016, 18 % des nourrissons portaient un prénom arabo-musulman, alors que celui de Marie n’était donné qu’à 0,3 % de la population. Dans le même temps, c’est l’explosion des Kevin et des Dylan, prénoms si populaires dans une France de Johnny votant majoritairement Marine Le Pen. D’ailleurs, la tête de liste de cette dernière aux prochaines élections européennes ne se prénomme-t-elle pas Jordan ?

    À ces deux France en proie au mal-être, on peut encore ajouter celle de la bourgeoisie conservatrice. En face et au-dessus ? Cette France hors-sol vivant à l’heure de la mondialisation, as de la finance et intellectuels précaires ; soit ces libéraux et ces libertaires ayant tous deux voté pour Emmanuel Macron, fêtant ainsi un troisième mandat, après ceux de Nicolas Sarkozy et de François Hollande.

    Ces trois France entrées en dissidence sont souvent étanches les unes par rapport aux autres, chacune cultivant ses revendications spécifiques. La France des cités, ce sont les émeutes urbaines, sans véritable revendication politique, si ce n’est celle consistant à manifester pour les Journées de retrait de l’école, alors qu’on l’a assez peu vue lors de la Manif pour tous, apanage de la France traditionnelle. Logique : pour le monde des cités, le mariage homosexuel est un vice de centre-ville ne le concernant pas. Mais dès lors que cette même propagande homosexuelle touche l’école publique, la banlieue a déjà plus tendance à descendre dans la rue, sachant qu’au contraire de la bourgeoisie, elle n’a pas toujours les moyens financiers de mettre ses enfants dans des écoles privées. Les voix conservatrices peuvent donc, au-delà de la religion de chacun, aller dans le même sens, sans forcément se rencontrer. Quant à la révolte de la France des pavillons, elle s’incarne évidemment dans celle des gilets jaunes.

    Pour se maintenir au pouvoir, il suffit à la France d’en haut de stigmatiser tour à tour les trois autres. LMPT, c’est l’ordre moral de Vichy. Les cités, c’est Daech. Les pavillons, ce sont les beaufs racistes. Et chaque fois que l’une de ces trois France déshéritées, chacune à leur manière, tente de se rapprocher des deux autres, l’ordre politico-médiatique hurle à la collusion des extrêmes.

    Ce sont ces leaders religieux musulmans – voire même l’État islamique – accusés d’accointances avec la Manif pour tous ; laquelle est à nouveau clouée au pilori pour se mêler parfois à la foule des gilets jaunes où, semble-t-il, des islamistes présumés tenteraient aussi de faire leur pelote. Le tout sous l’égide de ce terroir arriéré persistant à fumer des clopes et à rouler au diesel. Ou de l’art de mieux diviser pour mal régner.

    On notera que ce sont les mêmes qui, pointant du doigt ceux qu’ils accusent de dresser les uns contre les autres, n’en finissent plus de dresser les autres contre les uns. En attendant un possible retour de bâton ? Ce dont L’Express s’inquiète, qui vient de titrer sur la colère qui gronde, celle des « petits Blancs ». À force d’insister, ces gens arriveront peut-être par enfin dégager ce consensus tant souhaité par Emmanuel Macron.

    Parti comme c’est, ça pourrait bien être contre eux.

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 février 2019)

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  • Qu'y a-t-il dans la tête des Gilets jaunes ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec François-Bernard Huyghe et Damien Liccia, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la révolte des Gilets jaunes. Avec Xavier Desmaison, François-Bernard Huyghe et Damien Liccia viennent de publier un essai intitulé Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019).

     

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    Qu'y a-t-il dans la tête des «gilets jaunes» ?

    FIGAROVOX.- Vous consacrez un ouvrage à ce qu'il y a «dans la tête des Gilets jaunes». Justement, qu'est-ce que les observateurs n'ont pas vu et qu'il fallait voir concernant la colère des Gilets jaunes?

    François-Bernard HUYGHE.- Dans la tête et sans doute dans le cœur des Gilets jaunes, il y a, bien sûr, des intérêts matériels, liés aux impôts, aux fins de mois, à l'absence de perspectives de la France dite périphérique, etc. ; chez certains, cela s'accompagne d'un ressentiment envers les riches ou la France d'en haut, parfois un peu simpliste. Mais il y a aussi une composante de fierté bafouée: le refus de demeurer invisibles et méprisés, l'exaspération devant l'arrogance, la colère d'être traités de ploucs fachos et violents... Et ce sentiment de l'honneur offensé nourrit une forme de compétition symbolique: nous tiendrons, nous ne céderons pas, nous reviendrons samedi prochain... Au stade suivant, la passion de la dignité et de l'égalité devient demande de démocratie directe, de contrôle populaire et de révocation des mauvais dirigeants. Cela réveille des problèmes philosophico-politiques que l'on discutait dans l'Athènes d'il y a vingt-cinq siècles. Comment avoir la démocratie sans tomber dans l'oligarchie (pouvoir de quelques-uns) ou dans l'ochlocratie (pouvoir de la foule incontrôlée)?

    Vous traitez de la question du langage chez les Gilets jaunes. Qu'est-ce que celui-ci a de particulier chez eux?

    François-Bernard HUYGHE.- Ce sont des mots politiques simples: pouvoir, peuple, démocratie, gouvernement. Et les Gilets jaunes parlent beaucoup d'eux-mêmes. Cela commence souvent par des confessions émouvantes que vous font des gens dans les manifestations, avides qu'ils sont de fraterniser, et cela mène vite à des thèmes collectifs récurrents. Ainsi: «nous sommes le peuple», avec tout ce que cela implique (nous avons bien le droit de manifester où nous voulons, d'être entendus...).

    Et surtout «nous ne sommes pas...»: nous ne sommes pas des chemises brunes, nous ne sommes pas des casseurs, nous ne sommes pas des destructeurs de la Nature, nous ne sommes pas des beaufs abrutis homophobes qui sentent le fuel et la cigarette. Bref, nous ne sommes pas ce dont les élites - y compris médiatiques - nous accusent. Nous voulons un État au service du Bien commun. Nous sommes les patrons. Sans oublier le thème principal: «démission».

    Quelle est l'importance de la foule dans le mouvement des Gilets jaunes?

    Damien LICCIA.- Dans ses vœux, Emmanuel Macron s'était livré à une dénonciation des «porte-voix d'une foule haineuse». Parler de foule pour qualifier un mouvement politico-social, cela revient à la délégitimer et à le criminaliser. La foule ne pense pas, elle renvoie dans l'imaginaire collectif à la folie et à l'irrationalité. La place accordée à la violence est symptomatique d'une difficulté à penser par-delà les figures imposées du schéma libéral. Gustave le Bon insistait sur le fait que les foules sont conduites «presque exclusivement par l'inconscient». Or, le choix des cibles (banques, magasins de luxe, Starbucks, forces de l'ordre et même un ministère notamment pour les black blocs, et les péages, radars, médias et les préfectures pour une partie des gilets jaunes) s'inscrit tout de même dans une grille de lecture, que d'aucuns ont le droit de condamner, mais qui résonne avec un discours politique. Si casseurs il y a eu, il s'agit davantage d'opportunistes, et, plus précisément, de pilleurs. S'il l'ont s'extrait d'une rhétorique articulée autour d'une synecdoque restrictive («les casseurs symbolisent ce que sont les gilets jaunes»), il est impropre d'utiliser le terme de foule. Terme qui est symptomatique également de la réponse répressive utilisée, et il suffit pour se faire une idée de la chose de parcourir le Twitter du journaliste David Dufresne qui recense les différentes victimes parmi les manifestants.

    Alors certes, il n'y a pas une conscience de classe au sein des gilets jaunes, et l'absence d' «intellectuels organiques» (ce que ne sont pas les administrateurs de page Facebook, dont l'approche participative sur l'ensemble des décisions stratégiques à prendre, tranche avec le côté surplombant inhérent à la figure du stratège ou du technicien politique), engagés en amont de ce mouvement ou qui auraient pu émerger pendant la crise, n'a pas permis d'exprimer une vision du monde et une stratégie communes. Mais il faut être borgne, ou aveugle, pour obérer le fait que les Gilets jaunes pensent le politique. On dit souvent aujourd'hui que les réseaux sociaux sont propices aux discours de haine et à un discours ultrapolarisé aux frontières du complotisme. Les gilets jaunes n'ont pas échappé à cette configuration dans leur dénonciation frontale des «gens d'en haut» et dans leur désignation de l'ennemi. Or, loin d'être réductible à une polarisation entre le vrai et le faux, cette approche, de Carl Schmitt à Chantal Mouffe, est l'essence même du politique, et infirme tous les discours venant à les réduire au rang de «foule haineuse».

    Si vous pouviez résumer, comment les Gilets jaunes perçoivent et désignent les classes dominantes, politiques et médiatiques?

    François-Bernard HUYGHE.- Peu de Gilets jaunes ont lu Gramsci, sans doute, mais beaucoup pensent en termes d'hégémonie idéologique, de front unique ou de guerre de positions comme cet intellectuel marxiste des années 20, mais sans employer ses mots, bien sûr. Ils pensent qu'il y a le Système qui repose sur des intérêts financiers mondiaux, qui fait fi des souverainetés nationales et populaires, et qu'il est appuyé sur une classe politique technocratique, d'accord sur l'essentiel et sourde aux voix d'en bas. Ils dénoncent aussi le pouvoir culturel des «bobos» déracinés qui - pour parodier Rousseau- aiment les Tartares LGBT pour être dispensés d'aimer leur voisin. Et bien sûr, ils sont contre les médias, vendus à quelques milliardaires, qui occultent les violences policières et dénigrent les manifestants... Bref c'est un discours «de classe» que l'on aurait considéré comme intellectuel et gauchiste il y a quarante ans, mais qui est aujourd'hui assimilé à un affreux populisme aux relents lepénistes.

    En quoi les Gilets jaunes ont-ils été un «moment de surprise» pour reprendre le titre de votre prélude?

    Damien LICCIA.- Six mois avant le début des gilets jaunes, Emmanuel Macron venait de pulvériser les syndicats, après 3 mois de grève au sein de la SNCF. Ni les syndicats (et, dans les transports, à l'image de CGT-cheminots et de Sud-rail, ils sont particulièrement puissants), ni les acteurs politiques (de La France Insoumise aux trotskistes) n'étaient parvenus à enrayer la geste macronienne. Or, qui fait basculer la France en novembre, même si cette vision causale est nécessairement simpliste, Priscillia Ludosky et sa pétition «pour une baisse des prix à la pompe», Jacline Mouraud et sa vidéo vue des millions de fois sur Facebook (même si au même moment existaient d'autres vidéos tout aussi influentes, à l'image de celle d'un éleveur de volailles de l'Ain interpellant le président), des personnes (dont une partie issue de la «France périphérique» chère à Guilluy, mais pas seulement) qui font la chenille autour des ronds-points et des automobilistes qui mettent des gilets jaunes sur le tableau de bord. C'est le premier phénomène de sidération. Le deuxième s'explique par une mauvaise prise en compte de l'opinion publique, ou a minima de celle qui s'exprime sur les réseaux sociaux. La thématique du carburant a leurré l'exécutif, puisque ce dernier pendant plusieurs jours à l'issue de l' «acte I» a continué à communiquer, de manière quasi exclusive sur ce sujet, entre fermeté et reculade. La reculade intervient le 4 décembre avec Édouard Philippe qui annonce un moratoire sur la hausse de la taxe sur le carburant. Le lendemain, l'Élysée annonce l'annulation de la taxe.

    Or, le sujet de l'essence avait depuis plusieurs jours baissé en intensité, supplanté progressivement par la question institutionnelle, celle du pouvoir d'achat et par la problématique de la violence. Alors même que la question de l'essence a disparu comme une étincelle dans l'incendie qu'elle a déclenché, l'exécutif continue à appréhender le mouvement des gilets jaunes à l'aune d'une simple question de prix, alors qu'il s'agit déjà d'un proto conflit. Ce hiatus entre communication gouvernementale et opinion a été lourd de conséquences.

    Quelle importance pour les fake news dans ce genre de mouvement?

    François-Bernard HUYGHE.- En 1789, la foule croyait des rumeurs invraisemblables sur la sexualité de Marie-Antoinette ou sur des bandes armées. Sur les comptes Facebook en 2019, il circule - on ne va pas le nier - des choses invraisemblables: des gendarmes étrangers, des morts que l'on cacherait ou des attentats «bizarres». Ce n'est pas beau, mais, à la décharge des Gilets jaunes, le système de citation sur les réseaux sociaux, aggravé par le sensationnalisme médiatique, met vite en lumière les plus extrémistes et les plus délirants. En revanche je suis frappé par la façon dont des ministres répandent des légendes (sur des factieux bruns qui remonteraient les Champs-Élysées pour tuer, sur des complots russes ou italiens derrière les réseaux sociaux Gilets jaunes..), par la manière dont des experts voient des symboles d'extrême droite là où il y a un drapeau régional ou celui de l'Organisation Révolutionnaire Anarchiste, par des fautes des médias: propos de F. Ruffin déformés ou par la séquence d'une dame qui parlait des «1% d'extraterrestres super-riches» transformée en maniaque des OVNI par une coupure des derniers mots. Si les dirigeants et leurs partisans veulent faire campagne sur le thème «progressistes, parti du vrai et du nécessaire, versus populistes complotistes abreuvés de fake news», ils feraient mieux d'éviter ces délires idéologiques. Sans offenser Mme Schiappa qui se compare à Galilée qu'elle croit découvreur de la rotondité de la Terre.

    Damien LICCIA.- Les fake news ne sont en effet pas à sens unique. La France a basculé, comme avant elle le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore l'Espagne dans une vision du monde et dans une manière de traiter les mouvements polico-sociaux, des brexiters, à l'alt right, en passant par les indépendantistes catalans pour arriver jusqu'aux gilets jaunes, qui n'excluent pas le recours à une forme de narratif que nous pouvons qualifier de méta-complotisme. Alors certes, ce narratif a été d'une intensité plus faible par rapport à l'ampleur qu'il a prise au Royaume-Uni, dans la phase post-Brexit, ou aux USA, avec la question de l'ingérence russe qui est devenue une antienne entêtante, mais reste que le 8 décembre les services de renseignement français ont ouvert une enquête sur une possible ingérence étrangère qui aurait cherché à amplifier la crise politique française. Fin décembre, le secrétaire d'État chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, a également repris ce narratif, sur des ingérences de «forces étrangères».

    S'il ne faut pas balayer cela d'un revers de main, il y a là une similarité discursive avec la dénonciation des «forces obscures d'en haut» par une frange des gilets jaunes.

    Vous insistez sur la réaction au mépris suscité par Emmanuel Macron dans la colère des Gilets jaunes. Pensez-vous qu'il en aurait été autrement sans ces «petites phrases» prononcées par le chef de l'État?

    François-Bernard HUYGHE.- Les manifestants le ressassent constamment. L'effet est totalement ravageur, parce que chacun se sent personnellement offensé par un homme à qui tout a réussi sans avoir vraiment à se battre et qu'ils présument à des années-lumières de la réalité qu'ils vivent. En inventant une communication jupitérienne et implicative (les yeux dans les yeux), Emmanuel Macron a inventé aussi un art de l'insulte et de l'humiliation inédit. On espère que c'est inconsciemment.

    François-Bernard Huyghe et Damien Liccia, propos recueillis par Etienne Campion (Figaro Vox, 25 janvier 2018)

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  • Les gilets jaunes vus depuis le pays d’en bas...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Claude Michéa, publié par le quotidien Sud-Ouest et consacré à la révolte des Gilets jaunes. Philosophe, Jean-Claude Michéa est l'auteur de plusieurs essais fondamentaux consacré à la critique du libéralisme. Il vient de publier Le loup dans la bergerie (Flammarion, 2018).

     

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    Les gilets jaunes vus depuis le pays d’en bas

    Si j’ai choisi de vivre, depuis maintenant plus de deux ans, dans un petit village des Landes – à 10 kilomètres du premier commerce, du premier café et du premier médecin (26% des communes françaises, mondialisation oblige, sont déjà dans ce cas), c’est bien sûr d’abord parce que le mode de vie hors-sol, standardisé et « festif » de Montpellier m’était devenu insupportable.

    Et sans doute aussi parce que j’étais assez « réactionnaire », ou assez épicurien, pour oser encore croire qu’une tomate cultivée sur place et sans manipulation chimique aurait forcément un tout autre goût que son ersatz industriel importé de Chine ou d’Australie par containers géants (lesquels, au passage, utilisent un fioul nettement plus polluant – quoique non taxé ! – que celui des voitures diesel).

    La colère généreuse des gilets jaunes

    Bien entendu, un tel changement d’univers a aussi un aspect politique. D’une part, parce qu’il correspond habituellement à une volonté d’introduire un peu plus de cohérence dans sa vie personnelle (je ne voulais pas ressembler à ces intellectuels de gauche qui célèbrent sans cesse la « mixité sociale » tout en se gardant bien d’habiter dans les quartiers les plus « sensibles » !). Et de l’autre, parce que le fait de vivre au cœur d’une région rurale m’offrait l’occasion de vérifier par moi-même à quel point la description de la France « périphérique » par Christophe Guilluy – description pourtant longtemps moquée par toute la « sociologie » mandarinale – collait au millimètre près à la réalité que j’avais sous les yeux. Et de fait, il suffit de partager la vie de ces petits paysans, artisans, éleveurs ou retraités pour lesquels – malgré leur sens aigu de l’entraide – chaque fin de mois est devenue un casse-tête insoluble, dans une région aux paysages sauvages et magnifiques mais où presque tous les transports en commun et services de proximité (pour ne rien dire des problèmes de couverture téléphonique) ont été méthodiquement sacrifiés sur l’autel des dogmes libéraux, pour que la colère généreuse des gilets jaunes – l’expression est d’Orwell – prenne aussitôt tout son sens !

    « Ceux d’en haut » et « ceux d’en bas »

    A quoi, en effet, assistons-nous aujourd’hui sinon au retour, sous une forme inédite, de cette « question sociale » (autrement dit, de ce conflit d’intérêt qui oppose toujours, même de façon latente, « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas ») qui, il y a peu, figurait encore au centre de toute critique socialiste ? Or c’est justement cette question sociale, et avec elle, l’idée même de « lutte des classes », que la gauche européenne – depuis sa conversion massive, au début des années 1980, au libéralisme économique, politique et culturel – tente par tous les moyens de noyer sous le flot continu de ses fameuses « questions sociétales ». De nos jours, « être de gauche » ne signifie plus, en effet, combattre un système économique et social injuste fondé sur l’accumulation sans fin du capital. C’est, au contraire, chercher à substituer à ce combat l’unique croisade libérale « contre toutes les discriminations » – de la défense de l’écriture « inclusive » au rejet de l’alimentation carnée, en passant par l’interdiction de la fessée. Il est donc clair que la gauche est aujourd’hui devenue une force objectivement contre-révolutionnaire. Et il ne faut donc pas s’étonner si le fossé qui la sépare des classes populaires – et par conséquent de cette France périphérique où vivent la majorité des Français – ne cesse de s’agrandir (songeons, par exemple, à l’état d’hébétude dans lequel l’apparition du mouvement des gilets jaunes a plongé toute l’intelligentsia de gauche (1)).

    Situation encore aggravée par le fait que cette nouvelle gauche trouve désormais son centre de gravité électoral dans ces classes moyennes urbaines, surdiplômées et hyper-mobiles, qui non seulement ne représentent que 10 à 20% de la population mais sont aussi massivement protégées contre les effets de la mondialisation – quand encore elles n’en profitent pas. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle mon appel récurrent à réhabiliter la critique socialiste dérange autant les mandarin(e)s de gauche. Comme le soulignait en effet le grand socialiste américain Upton Sinclair, il est très « difficile d’amener quelqu’un à comprendre une chose quand son salaire dépend précisément du fait qu’il ne la comprend pas » !

    Le retour de ce peuple théoriquement « disparu »

    Or, le premier mérite des gilets jaunes, c’est justement d’avoir fait voler en éclats le mythe fondateur de la « sociologie » de gauche selon lequel le concept de « peuple » n’aurait plus, de nos jours, aucun sens politique, sauf à s’appliquer au seul univers des « banlieues ».

    Car c’est bien, en effet, ce peuple théoriquement « disparu » qui non seulement fait aujourd’hui son retour en force sur la scène de l’Histoire, mais qui a même déjà obtenu – grâce à son sens politique exceptionnel et son inventivité rafraîchissante – plus de résultats concrets en quelques semaines que toutes les bureaucraties syndicales et d’extrême gauche en trente ans. Il fallait donc toute la cécité de classe des « écologistes » bourgeois pour ne pas avoir vu d’emblée que sous la question ponctuelle du prix de l’essence perçait déjà – pour reprendre les mots du remarquable Appel de Commercy – « un mouvement généralisé contre le système » et, au premier chef, contre cette confiscation croissante du pouvoir des citoyens par des politiciens de métier et des juges non élus. D’autant qu’il n’était vraiment pas difficile de comprendre – sauf à vivre, tels un BHL ou un Romain Goupil, sur une autre planète – que la revendication initiale des gilets jaunes relevait beaucoup moins de ce « culte de la bagnole » censé caractériser, aux yeux des élites « éclairées », les « beaufs » de la France périphérique (alors que toutes les études statistiques montrent au contraire que ce sont précisément les riches qui polluent le plus!) que d’une révolte morale spontanée contre un système économique aussi absurde qu’injuste qui – afin que les riches deviennent toujours plus riches – doit sans cesse obliger les Français les plus modestes à parcourir toujours plus de kilomètres pour pouvoir travailler, consulter un médecin, poster une lettre, faire leurs courses ou encore trouver une école, une maternité ou un centre administratif (c’est même une des raisons pour lesquelles les gilets jaunes ont si vite redécouvert les vertus de la démocratie directe et de l’autonomie locale). Quel que soit donc le sort qui attend, à court-terme, ce mouvement révolutionnaire (…) il est d’ores et déjà certain que la colère du peuple ne retombera plus. Et que, tôt ou tard, les « princes qui nous gouvernent » auront à en payer le prix.

    Jean-Claude Michéa (Sud-Ouest, 18 décembre 2018)

     

    Note : 
    1) Il est difficile de ne pas songer ici au célèbre ouvrage de Paul Lidsky, Les écrivains contre la Commune, publié par Maspero en 1970. Dans cet essai décapant, l’auteur rappelait comment les principaux écrivains de gauche de l’époque – mettant de côté, pour un temps, leurs griefs habituels contre la bourgeoisie et le « vieux monde » – avaient, dans leur immense majorité, applaudi la répression de la Commune de Paris (ordonnée, il est vrai, par Adolphe Thiers et Jules Favre – deux des plus grandes figures de la gauche libérale d’alors). C’est que l’appel de cette dernière à instaurer une véritable république sociale avait donné d’un coup une tout autre signification au vieux concept libéral et républicain d’égalité. De quoi confirmer, en somme, la célèbre analyse de Marx selon laquelle, s’il existe toujours « une certaine opposition et une certaine hostilité » entre la bourgeoisie économique de droite (celle qui participe directement au processus d’accumulation du capital ») et la bourgeoisie culturelle de gauche (les universitaires, écrivains ou artistes qui « tirent leur subsistance principale de l’illusion que cette classe se fait sur elle-même »), c’est une opposition et une hostilité condamnées à tomber d’elles-mêmes « chaque fois que survient un conflit pratique où la classe tout entière est menacée ». 

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  • Gilest jaunes : l'exact contraire de Nuit Debout !...

    Nous reproduisons ci-dessous une lettre de Jean-Claude Michéa adressée au site Les amis de Bartleby à propos du mouvement des "gilets jaunes". Philosophe et critique incisif du libéralisme, en particulier dans sa version libérale-libertaire, chère à la gauche, Jean-Claude Michéa vient de publier un nouvel essai intitulé Le loup dans la bergerie (Flammarion, 2018).

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    Jean-Claude Michéa

    Une lettre à propos du mouvement
    des Gilets jaunes

     

    Le 21 novembre 2018

    Chers Amis,

    Juste ces quelques mots très brefs et donc très lapidaires – car ici, on est un peu débordés par la préparation de l’hiver (bois à couper, plantes et arbres à pailler  etc.). Je suis évidemment d’accord avec l’ensemble de vos remarques, ainsi qu’avec la plupart des thèses de Lieux communs (seule la dernière phrase me paraît un peu faible en raison de son « occidentalisme » : il existe aussi, bien entendu, une véritable culture de l’émancipation populaire en Asie, en Afrique ou en Amérique latine !).

    Le mouvement des « gilets jaunes » (bel exemple, au passage, de cette inventivité populaire que j’annonçais dans Les Mystères de la gauche) est, d’une certaine manière, l’exact contraire de « Nuit Debout ». Ce dernier mouvement, en simplifiant, était en effet d’abord une tentative – d’ailleurs encouragée par une grande partie de la presse bourgeoise – des « 10 % » (autrement dit, ceux qui sont préposés – ou se préparent à l’être – à l’encadrement technique, politique et « culturel » du capitalisme moderne), pour désamorcer la critique radicale du Système, en dirigeant toute l’attention politique sur le seul pouvoir (certes décisif) de Wall Street et des fameux « 1 % ». Une révolte, par conséquent, de ces urbains hypermobiles et surdiplômés (même si une fraction minoritaire de ces nouvelles classes moyennes commence à connaître, ici ou là, une certaine « précarisation ») et qui constituent, depuis l’ère Mitterrand, le principal vivier dans lequel se recrutent les cadres de la gauche et de l’extrême gauche libérales (et, notamment, de ses secteurs les plus ouvertement contre-révolutionnaires et antipopulaires : Regards, Politis, NP“A”, Université Paris VIII etc.). Ici, au contraire, ce sont bien ceux d’en bas (tels que les analysait Christophe Guilluy – d’ailleurs curieusement absent, jusqu’ici, de tous les talk-shows télévisés, au profit, entre autres comiques, du réformiste sous-keynésien Besancenot), qui se révoltent, avec déjà suffisamment de conscience révolutionnaire pour refuser d’avoir encore à choisir entre exploiteurs de gauche et exploiteurs de droite (c’est d’ailleurs ainsi que Podemos avait commencé en 2011, avant que les Clémentine Autain et les Benoît Hamon du cru ne réussissent à enterrer ce mouvement prometteur en le coupant progressivement de ses bases populaires).

    Quant à l’argument des « écologistes » de cour – ceux qui préparent cette « transition énergétique » qui consiste avant tout, comme Guillaume Pitron l’a bien montré dans La Guerre des métaux rares, à délocaliser la pollution des pays occidentaux dans les pays du Sud, selon lequel ce mouvement spontané ne serait porté que par « une idéologie de la bagnole » et par « des gars qui fument des clopes et roulent en diesel », il est aussi absurde qu’immonde : il est clair, en effet, que la plupart des Gilets jaunes n’éprouvent aucun plaisir à devoir prendre leur voiture pour aller travailler chaque jour à 50 km de chez eux, à aller faire leurs courses au seul centre commercial existant dans leur région et généralement situé en pleine nature à 20 km, ou encore à se rendre chez le seul médecin qui n’a pas encore pris sa retraite et dont le cabinet se trouve à 10 km de leur lieu d’habitation. (J’emprunte tous ces exemples à mon expérience landaise ! J’ai même un voisin, qui vit avec 600 € par mois et qui doit calculer le jour du mois où il peut encore aller faire ses courses à Mont-de-Marsan, sans tomber en panne, en fonction de la quantité de diesel – cette essence des pauvres – qu’il a encore les moyens de s’acheter !) Gageons qu’ils sont au contraire les premiers à avoir compris que le vrai problème, c’était justement que la mise en œuvre systématique, depuis maintenant 40 ans, du programme libéral par les successifs gouvernements de gauche et de droite, a progressivement transformé leur village ou leur quartier en désert médical, dépourvu du moindre commerce de première nécessité, et où la première entreprise encore capable de leur offrir un vague emploi mal rémunéré se trouve désormais à des dizaines de kilomètres (s’il existe des « plans banlieues » – et c’est tant mieux – il n’y a évidemment jamais eu rien de tel pour ces villages et ces communes – où vit pourtant la majorité de la population française – officiellement promis à l’extinction par le « sens de l’histoire » et la « construction européenne » !).

    Ce n’est donc évidemment pas la voiture en tant que telle – comme « signe » de leur prétendue intégration dans le monde de la consommation (ce ne sont pas des Lyonnais ou des Parisiens !) – que les Gilets jaunes défendent aujourd’hui. C’est simplement que leur voiture diesel achetée d’occasion (et que la Commission européenne essaye déjà de leur enlever en inventant sans cesse de nouvelles normes de « contrôle technique ») représente leur ultime possibilité de survivre, c’est-à-dire d’avoir encore un toit, un emploi et de quoi se nourrir, eux et leur famille, dans le système capitaliste tel qu’il est devenu, et tel qu’il profite de plus en plus aux gagnants de la mondialisation. Et dire que c’est d’abord cette gauche kérosène – celle qui navigue d’aéroport en aéroport pour porter dans les universités du monde entier (et dans tous les « Festival de Cannes ») la bonne parole « écologique » et « associative » qui ose leur faire la leçon sur ce point ! Décidément, ceux qui ne connaissent rien d’autre que leurs pauvres palais métropolitains n’auront jamais le centième de la décence qu’on peut encore rencontrer dans les chaumières (et là encore, c’est mon expérience landaise qui parle !).

    La seule question que je me pose est donc de savoir jusqu’où un tel mouvement révolutionnaire (mouvement qui n’est pas sans rapport, dans sa naissance, son programme rassembleur et son mode de développement, avec la grande révolte du Midi de 1907) peut aller dans les tristes conditions politiques qui sont les nôtres. Car n’oublions pas qu’il a devant lui un gouvernement thatchérien de gauche (le principal conseiller de Macron est d’ailleurs Mathieu Laine – un homme d’affaires de la City de Londres et qui est, en France, le préfacier des œuvres de la sorcière Maggie), c’est-à-dire un gouvernement cynique et impavide, qui est clairement prêt – c’est sa grande différence avec tous ses prédécesseurs – à aller jusqu’aux pires extrémités pinochetistes (comme Maggie avec les mineurs gallois ou les grévistes de la faim irlandais) pour imposer sa « société de croissance » et ce pouvoir antidémocratique des juges, aujourd’hui triomphant, qui en est le corollaire obligé. Et, bien sûr, sans avoir quoi que ce soit à craindre, sur ce plan, du servile personnel médiatique français. Faut-il rappeler, en effet, qu’on compte déjà 3 morts, des centaines de blessés, dont certains dans un état très critique. Or, si ma mémoire est bonne, c’est bien à Mai 68 qu’il faut remonter pour retrouver un bilan humain comparable lors de manifestations populaires, du moins sur le sol métropolitain. Et pour autant, l’écho médiatique donné à ce fait effarant est-il, du moins pour l’instant, à la hauteur d’un tel drame ? Et qu’auraient d’ailleurs dit les chiens de garde de France Info si ce bilan (provisoire) avait été l’œuvre, par exemple, d’un Vladimir Poutine ou d’un Donald Trump ?

    Enfin, last but not the least, on ne doit surtout pas oublier que si le mouvement des Gilets jaunes gagnait encore de l’ampleur (ou s’il conservait, comme c’est toujours le cas, le soutien de la grande majorité de la population), l’État benallo-macronien n’hésitera pas un seul instant à envoyer partout son Black Bloc et ses « antifas » (telle la fameuse « brigade rouge » de la grande époque) pour le discréditer par tous les moyens, où l’orienter vers des impasses politiques suicidaires (on a déjà vu, par exemple, comment l’État macronien avait procédé pour couper en très peu de temps l’expérience zadiste de Notre-Dame-des-Landes de ses soutiens populaires originels). Mais même si ce courageux mouvement se voyait provisoirement brisé par le PMA – le Parti des médias et de l’argent (PMA pour tous, telle est, en somme, la devise de nos M. Thiers d’aujourd’hui !) ; cela voudra dire, au pire, qu’il n’est qu’une répétition générale et le début d’un long combat à venir. Car la colère de ceux d’en bas (soutenus, je dois à nouveau le marteler, par 75 % de la population – et donc logiquement stigmatisé, à ce titre, par 95 % des chiens de garde médiatiques) ne retombera plus, tout simplement parce que ceux d’en bas n’en peuvent plus et ne veulent plus. Le peuple est donc définitivement en marche ! Et à moins d’en élire un autre (selon le vœu d’Éric Fassin, cet agent d’influence particulièrement actif de la trop célèbre French American Fondation), il n’est pas près de rentrer dans le rang. Que les Versaillais de gauche et de droite (pour reprendre la formule des proscrits de la Commune réfugiés à Londres) se le tiennent pour dit !

    Très amicalement,
    JC

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  • Gilets jaunes : la bataille de la dignité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur Huyghe.fr et consacré aux manifestations des "Gilets jaunes" du 24 novembre. Spécialiste de la guerre de l'information, François Bernard Huyghe, auteur de nombreux livres, a récemment publié La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018).

     

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    La bataille de la dignité
     
    La journée du 24 novembre, acte II de l’histoire des gilets jaunes, a été largement polluée par l’effet de loupe sur les violences (d’une gravité tout à fait relatives, que l’on parle dégâts ou nombre d’interpellations) sur les Champs-Elysées. Casseurs d’ultra-droite dans la journée, d’extrême-gauche le soir ? C’est possible, encore que le fait d’avoir laissé la situation pourrir dès 10 H du matin avec toutes sortes d’accès non filtrés aux Champs, avec du mobilier urbain disponible, ait pu donner des tentations à quelques uns. Et de belles images pour les télés du monde entier.

    La théorie de Castaner - complot, radicalisation, ultra-droite séditieuse, factieuse, rappelant le 6 février 34, s’en prenant aux institutions, commanditée par Marine le Pen, peut-être aidée de Jean-Luc Mélenchon, ajoutent quelques seconds couteaux - est pour le moins réductrice. Et ressemble furieusement à une stratégie du leurre. Elle pourrait d’ailleurs tourner à la prophétie auto-réalisatrice : à criminaliser moralement le gilets jaunes, et à jouer l’affrontement des réformateurs avec les forces obscures, on finit par donner des tentations électorales à des gens apolitiques qui se diront que stigmatisés pour stigmatisés.... C’est si bon quand c’est un péché. Et il est bien connu que le choix de notre ennemi révèle quelle est notre propre question.

    Mais la question n’est pas là. Le gouvernement et une bonne partie des commentateurs se plaignent du caractère horizontal, déstructuré, presque liquide du mouvement : comment négocier avec des gens qui n’ont pas de chefs, pas de revendications précises et qui prétendent s’auto-représenter ? Quelle confusion !

    Il nous semble au contraire que la parole des manifestants, dès qu’on leur passe un micro, soit d’une clarté remarquable.
    - Nous sommes le peuple, disent-ils. Il y a un sentiment de légitimité de gens qui expérimentent souvent pour la première fois l’expression directe dans la rue et qui, notamment, ne comprennent pas qu’on leur dise où ils ont le droit ou pas de manifester.
    - Nous sommes la classe moyenne qui n’en peut plus, les perdants, les déplorables, les culturellement dévalorisés, nous sommes exactement tels que nous décrivent des Guilluy, des Michéa, des Piketty, des gens que nous n’avons pas forcément lus, mais dont les élites auraient du écouter les avertissements. Nous voulons que vous réalisiez notre sentiment de chute et d’angoisse.
    - Nous voulons de la considération: être reçus, avoir des réponses, ne pas être traités par le mépris. Notez avec quelle fréquence revient ce mot de « mépris ». A cet égard, le tweet de Macron : «  Honte à ceux qui ont violenté d'autres citoyens et des journalistes. Honte à ceux qui ont tenté d'intimider des élus. Pas de place pour ces violences dans la République », mélange d’emphase et de cours de morale aux vilains gamins habillés en jaune est un chef d’œuvre d’incompréhension de ce que ressentent les gens. Quand ils disent rendre l’argent (notamment celui de l’ISF), les manifestants ajoutent souvent aussi qu’ils veulent qu’on leur rende leur honneur de travailleurs. Soit dit en passant, il circule en ce moment des vidéos anonymes de policiers et gendarmes qui disent leur honte d’être obligés de taper sur le peuple. Cela ressemble à un gros signal faible.
    - Cessez d’évacuer la question sociale d’égalité au profit des promesses d’efficacité économique et de modernité sociétale. C’est bête mais nous pensons fins de mois, riches et pauvres et moyens de vivre demain. C’est bête, mais les conditions matérielles de vie restent le premier facteur de mobilisation. Vous l’aviez oublié là-haut ?

    Colère (le sentiment), plus auto-organisation (les médiations), plus refus des représentations dominantes (allant jusqu’à l’agressivité contre les médias « complices »), inquiétudes sur le contrat social (consentement à l’impôt remis en cause) et même une certaine fraternité qui naît. Depuis quand n’avions nous pas vu une pareille conjonction ?

    Et, puisque nous avons cité Guilluy, dont les analyses trouvent ici une incroyable illustration, nous ne résistons pas à une tentation sur ce qu’il appelle le soft-power de la France périphérique.
    L’expression soft-power n’est pas la plus parlante pour désigner une capacité de résistance et de refus de la culpabilisation, et nous aurions, pour notre part, plutôt parlé de résistance idéologique et culturelle. Mais Guilluy a raison quand il décrit « cette autonomie contrainte d’un monde d’en bas désormais hermétique aux discours et injonctions d’en haut permet aux classes populaires de réaffirmer ce qu’elles sont collectivement. Contre toute attente, elles exercent aujourd'hui un soft-power invisible qui contribue à l’effondrement de l’hégémonie culturelle des classes dominantes et supérieures »
    Or, pour suivre cette hypothèse, ceux d’en bas, semblent, en effet de plus en plus imperméables au discours venu d’en haut. Qu’il s’agisse du discours « de vérité » (vous n’allez pas croire ces fake news, si on regarde bien les chiffres, on voit au contraire que tout va de mieux en mieux. Ou du discours de la peur morale (attention au fascisme, pensez à la planète, ne soyez pas factieux.
    Résister à l’impératif hégémonique, c’est une chose. Énoncer des objectifs politiques, c’est mieux.
    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 25 novembre 2018)
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